Post by Alexandre Pratt on May 7, 2007 10:14:56 GMT -5
La Presse
Sports, dimanche 17 février 1991, p. S10
André Trudelle rencontre... René Lemyre
Poussé dans le baseball malgré lui;«Je ne peux passer sous silence le fait que John McHale n'ait jamais compris qu'il fallait des gens locaux impliqués à un haut niveau dans l'équipe»;«Enthousiasmé par le Parc Jarry, Ford Frick y a vu le futur stade des Expos»
Trudelle, André
«Obtenir une concession du baseball majeur sans stade et sans propriétaire, voilà un exploit extraordinaire qu'ont réussi Gerry Snyder, par sa persévérance, et le maire Jean Drapeau, par ses promesses.
«En 1968, Montréal était une ville d'incroyants. Personne n'avait foi en l'octroi d'une franchise au Québec par la ligue Nationale. Aussi, au retour de Chicago, concession en main, M. Snyder, son beau-frère et les deux seuls journalistes là-bas, Marcel Desjardins et Gérard Champagne, tous deux de La Presse, ne furent attendus à Dorval que par trois personnes: mon fils Henri, le chauffeur de M. Snyder et moi-même.»
Plus de trente ans après avoir quitté le baseball organisé, René Lemyre a su conserver des amitiés liées au cours des années pendant lesquelles il a été le directeur général des Braves de Québec et des Royaux de Montréal, de la fin des années 1940 à la fin des années 1950. Peter O'Malley, Sparky Anderson, Tom LaSorda, Roland Hémond, John Miller et plusieurs autres sont toujours ses amis.
«C'est le hasard qui m'a poussé dans le monde du baseball, explique ce travailleur infatigable, aujourd'hui âgé de 70 ans, vice-président administrateur à la maison de courtage McNeil et Mantha.
Profondément affecté par la mort de son épouse, l'été dernier, M. Lemyre cherche à tromper sa solitude en se plongeant dans le travail. Il se rend à son bureau tous les matins à 7h30. Il consacre une grande attention aux dossiers de ses clients.
M. Lemyre est né sur la rue DeCourcelles, à Saint-Henri. Sa mère est morte alors qu'il n'avait que trois ans. Il a été élevé par ses grands-parents, à Saint-Constant.
«Je me destinais à l'enseignement», rappelle-t-il. Il a d'ailleurs étudié à l'école Normale Jacques-Cartier. Comme cette profession n'offrait pas une bien grande sécurité, M. Lemyre a fait une demande d'emploi au service civil, à Ottawa. Il a été accepté.
Il a fait ses débuts au dépôt de l'aviation à Montréal-Est. Il gagnait alors 60$ par mois. À l'âge de 23 ans, il dirigeait un service de 18 personnes, à Québec, où il avait été muté. Il était attaché au plan d'entraînement aérien du Commonwealth britannique.
En 1945, M. Lemyre est devenu l'ami d'un voisin de Sillery, Ulysse Sainte-Marie, qu'il décrit tel «un entrepreneur touche-à-tout», pour lequel il devait d'ailleurs travailler à la fin de la guerre.
C'est M. Sainte-Marie qui fit l'acquisition du club de baseball de Québec, équipe de la ligue Canado-américaine, plus tard de la ligue Provinciale. Le circuit réunissait alors huit filiales des ligues majeures: Pittsfield (Cleveland), Schenectady (Phillies), Amsterdam (Yankees), Gloversville, Rome, Oneanta (Red Sox), Trois-Rivières (Dodgers) et Québec (Braves).
«Je n'avais pas d'expérience dans ce domaine quand M. Sainte-Marie m'a proposé le poste de gérant d'affaires du club, dit M. Lemyre. Mais mon patron ne s'est pas arrêté à une si mince difficulté. Il m'a envoyé à Columbus, Ohio, suivre un cours d'administration dans le baseball.»
À compter de l'année suivante, les Alouettes de Québec, devenues les Braves à cause de leur affiliation, ont remporté six championnats en sept ans.
Le budget de l'équipe s'élevait à environ 150000$ par année pour un personnel de 17 ou 18 joueurs. À cette époque le salaire minimum annuel dans les majeures était de 7000$. M. Lemyre rapporte fièrement que les Braves, filiale des Braves de Boston (puis des Braves de Milwaukee), de la ligue Nationale de baseball de l'époque, ont attiré sous sa gouverne jusqu'à 200000 spectateurs par saison.
«L'une des réalisations dont je suis le plus fier, souligne-t-il, c'est qu'une année, à Québec, nous comptions sur notre liste de joueurs d'hiver: Claude Raymond, Claude Saint-Vincent - celui-là même qui est aujourd'hui responsable des ventes de la bière au stade - Georges Maranda, auquel j'avais moi-même fait signer un contrat, Ronald Piché et Yvan Dubois.
«Si Québec avait autant de joueurs francophones sur sa liste c'est que Roland Gladu, qui s'est illustré dans l'uniforme des Royaux des années 1945 aux côtés de Jean-Pierre Roy et de Stan Bréard, était dépisteur pour les Braves de Boston.
«Gladu a toujours prétendu - et je partage son avis - que les Québécois ne sont pas aussi prêts à jouer dans les majeures que ceux qui pratiquent le baseball 12 mois par année. Mais les talents identifiés, il faut contribuer à leur développement.»
Plus tard, à Montréal, M. Lemyre a fait inscrire les noms de Raymond Daviault et de Tim Harkness sur la liste des Royaux. Tous deux devaient d'ailleurs porter les couleurs des Mets par la suite.
À Québec, René Lemyre a fait la connaissance d'une charmante jeune fille du nom de Hélène Christensen, née à Tadoussac de parents norvégiens. Il l'a épousée.
Ils ont eu quatre garçons: Henri, notaire, père de trois enfants, Marc, célibataire et sportif à l'emploi de Revenu Canada, Denis, père d'un enfant, travaillant chez Bell Canada et Jean, le cadet, employé de Via Rail.
En novembre 1955, M. Hector Racine, alors président des Royaux, avait convoqué les médias pour leur apprendre que René Lemyre quittait l'organisation des Braves de Québec pour succéder au major Guy Moreau comme gérant général des Royaux de Montréal.
M. Lemyre était alors âgé de 35 ans. Son salaire n'avait pas été divulgué à l'époque, mais M. Lemyre dit aujourd'hui qu'il touchait 15000$ par année.
«À mes débuts dans le baseball, les ligues mineures ne comptaient pas moins de 400 clubs en Amérique du Nord qui tous faisaient leurs frais, tous! soutient M. Lemyre.
«L'arrivée de la télévision a tout chambardé, non seulement aux États-Unis, mais aussi au Canada. Je me souviens qu'à Québec, j'avais fait installer des écrans au stade pour que les spectateurs ne ratent pas leur émission des Plouffe.»
La télé a enrichi les équipes des ligues majeures, mais tué le baseball mineur.
«Ce déclin a eu pour effet que les clubs majeurs ont dû subventionner leurs filiales en presque totalité, rapporte M. Lemyre. Autrefois, avec huit clubs dans chaque ligue, un joueur devait gagner ses épaulettes avant de graduer. Plusieurs bons joueurs languissaient dans les mineures. Il y en avait à Montréal et à Newark, dans la ligue Internationale, il y en avait également à Québec dans un circuit inférieur et ailleurs.
«Vous a-t-on raconté que j'avais failli obtenir les services de Hank Aaron, à Québec? La vérité, c'est que je l'ai refusé moi-même. Nous avions en Ed Charles, un excellent joueur d'arrêt-court. C'était en 1952. John Quinn, gérant général des Braves de Milwaukee, m'avait téléphoné à Québec, me demandant de lui céder Ed Charles, que nous aimions beaucoup, prêt à combler le poste par un jeune prometteur du nom de Hank Aaron qui jouait à Eau Claire. J'ai refusé.» On ne peut refaire l'histoire, mais si c'était à refaire...
Plus tard, alors qu'il était à Montréal (en 1957), Lemyre et les Royaux avaient bien failli hériter, cette fois, de Sandy Koufax. Les Dodgers étaient venus disputer un match hors concours aux étoiles de la ligue Internationale au stade DeLorimier.
Buzzy Bavasi, des Dodgers, avait alors confié à Lemyre que si Koufax décevait dans ce match, il le laisserait à Montréal. Mais Koufax - le Wayne Gretzky du baseball de ce temps-là - avait été fantastique et Lemyre et les Royaux s'en sont passés.
Après avoir été gérant général des Royaux pendant trois ans et demi, René Lemyre s'est inquiété de son avenir. «Le stade Delorimier avait été vendu, rappelle-t-il. Je suis allé trouver M. O'Malley (président des Dodgers déménagés à Los Angeles) et je lui ai expliqué la situation»
- Si le maire Drapeau construit son stade, tu n'as pas à t'inquiéter, lui a répondu O'Malley.
On sait ce qui est arrivé, le stade en question, les Expos l'ont eu bien des années plus tard...
M. Lemyre a alors décidé d'accepter un poste dans les relations publiques à la Brasserie Dow qui l'a envoyé à Québec pendant trois ans. Il est revenu à Montréal en 1963 et il a quitté les relations publiques en 1965 pour devenir courtier en valeurs mobilières chez McNeil et Mantha. Quelques années plus tard, l'ex-journaliste Fernand Liboiron, un ami, devait l'y rejoindre.
Tout comme il l'avait fait 18 ans auparavant, pour son apprentissage en administration dans le domaine du baseball, René Lemyre s'est rendu à Wall Street apprendre son nouveau métier.
«J'en ai travaillé un coup», admet-il.
Mais quelle réussite!
En avril 1966, Walter Anderson, de la maison Merrill Lynch, Pierce, Fenner et Smith adressait à Paul J. Sullivan, de la succursale montréalaise une lettre fort élogieuse.
«René s'est classé premier dans un groupe de 64 élèves, écrivait Anderson. Je considère René comme l'une des personnes les plus matures que j'aie eu l'occasion de rencontrer tant en Europe qu'en Amérique. Il est vif, honnête et, rare qualité, humble. Il s'élève d'une tête au-dessus du commun des mortels... »
Inutile de souligner que cette lettre occupe une place d'honneur dans l'album de souvenirs du septuagénaire.
Il a connu de nombreux politiciens, MM. Louis Saint-Laurent et Brian Mulroney qui, tour à tour, ont dirigé le pays.
Il a mieux connu encore MM. Maurice Duplessis, Jean Lesage, Daniel Johnson et Paul Sauvé qui ont été tour à tour premier ministre du Québec.
«M. Johnson m'avait téléphoné un jour et demandé de me présenter sous les couleurs de l'Union Nationale, rapporte M. Lemyre. Je n'y tenais pas beaucoup. Aussi, quand il m'a dit: «Quel comté t'intéresserait?» comme je savais que le représentant de Laprairie était déjà choisi, je parlais de ce comté où j'avais été élevé. «Mais il est déjà pris», me répondit M. Johnson. L'affaire n'alla pas plus loin.»
Pour M. Lemyre, c'est par manque de compréhension que les gens du Québec et les gens de l'Ontario ou de l'Ouest ne se comprennent pas.
«Pour moi, déplore-t-il, si Duff Roblin (ancien premier ministre du Manitoba) avait été choisi à la tête du parti conservateur à la place de Stanfield et si Paul Sauvé avait vécu plus longtemps, le Canada n'en serait pas à se déchirer.»
Il est nationaliste, certes, mais non séparatiste.
Pour sa part, il assure que pendant tout le temps qu'il a été gérant général d'une équipe de baseball, soit à Québec, soit à Montréal, il n'a jamais éprouvé de complexe quels qu'aient été les propriétaires de l'équipe qu'il dirigeait.
Au sujet des Expos, même s'il ne sait pas encore très bien quels en sont les propriétaires, M. Lemyre se réjouit de voir le tandem de Claude Brochu et de David Dombrowski à la tête du club.
«Si M. J.- Louis Lévesque avait été le premier propriétaire des Expos et qu'il avait placé, comme il se le proposait, M. Raymond Lemay au poste de gérant général, assure M. Lemyre, les Expos auraient connu un retentissant succès.
«Je n'aime pas critiquer. Mais je ne peux passer sous silence le fait que John McHale n'a jamais compris qu'il fallait des gens locaux impliqués à un haut niveau dans l'équipe. Il n'a pas su établir de lien avec les spectateurs.
«À Montréal, j'ai fait nommer Butch Bouchard et Jean Barrette directeurs de l'équipe. Mais j'accorde beaucoup de compétence au duo Brochu-Dombrowski.»
Pour M. Lemyre, le commissaire Ford Frick, ex-journaliste, a beaucoup fait pour l'expansion du baseball majeur. «Je l'avais invité un jour qu'il était de passage à Montréal, à assister à un match d'étoiles du baseball junior au parc Jarry. Enthousiasmé par l'endroit et par l'atmosphère, il a eu cette réaction: «Mais c'est ici qu'il faut installer les Expos!»
M. Lemyre croit en l'avenir du baseball majeur à Montréal. Il explique la différence d'assistance entre Toronto et Montréal par la population et le nombre plus élevé de sièges sociaux dans la Ville Reine.
«À Toronto, dit-il, on peut vendre 40000 billets de saison alors qu'à Montréal on ne peut espérer plus de 15000 par saison. Il y a aussi le coût des billets. De mon temps, le baseball représentait un spectacle pour toute la famille. De nos jours, les billets sont tellement chers!»
Sports, dimanche 17 février 1991, p. S10
André Trudelle rencontre... René Lemyre
Poussé dans le baseball malgré lui;«Je ne peux passer sous silence le fait que John McHale n'ait jamais compris qu'il fallait des gens locaux impliqués à un haut niveau dans l'équipe»;«Enthousiasmé par le Parc Jarry, Ford Frick y a vu le futur stade des Expos»
Trudelle, André
«Obtenir une concession du baseball majeur sans stade et sans propriétaire, voilà un exploit extraordinaire qu'ont réussi Gerry Snyder, par sa persévérance, et le maire Jean Drapeau, par ses promesses.
«En 1968, Montréal était une ville d'incroyants. Personne n'avait foi en l'octroi d'une franchise au Québec par la ligue Nationale. Aussi, au retour de Chicago, concession en main, M. Snyder, son beau-frère et les deux seuls journalistes là-bas, Marcel Desjardins et Gérard Champagne, tous deux de La Presse, ne furent attendus à Dorval que par trois personnes: mon fils Henri, le chauffeur de M. Snyder et moi-même.»
Plus de trente ans après avoir quitté le baseball organisé, René Lemyre a su conserver des amitiés liées au cours des années pendant lesquelles il a été le directeur général des Braves de Québec et des Royaux de Montréal, de la fin des années 1940 à la fin des années 1950. Peter O'Malley, Sparky Anderson, Tom LaSorda, Roland Hémond, John Miller et plusieurs autres sont toujours ses amis.
«C'est le hasard qui m'a poussé dans le monde du baseball, explique ce travailleur infatigable, aujourd'hui âgé de 70 ans, vice-président administrateur à la maison de courtage McNeil et Mantha.
Profondément affecté par la mort de son épouse, l'été dernier, M. Lemyre cherche à tromper sa solitude en se plongeant dans le travail. Il se rend à son bureau tous les matins à 7h30. Il consacre une grande attention aux dossiers de ses clients.
M. Lemyre est né sur la rue DeCourcelles, à Saint-Henri. Sa mère est morte alors qu'il n'avait que trois ans. Il a été élevé par ses grands-parents, à Saint-Constant.
«Je me destinais à l'enseignement», rappelle-t-il. Il a d'ailleurs étudié à l'école Normale Jacques-Cartier. Comme cette profession n'offrait pas une bien grande sécurité, M. Lemyre a fait une demande d'emploi au service civil, à Ottawa. Il a été accepté.
Il a fait ses débuts au dépôt de l'aviation à Montréal-Est. Il gagnait alors 60$ par mois. À l'âge de 23 ans, il dirigeait un service de 18 personnes, à Québec, où il avait été muté. Il était attaché au plan d'entraînement aérien du Commonwealth britannique.
En 1945, M. Lemyre est devenu l'ami d'un voisin de Sillery, Ulysse Sainte-Marie, qu'il décrit tel «un entrepreneur touche-à-tout», pour lequel il devait d'ailleurs travailler à la fin de la guerre.
C'est M. Sainte-Marie qui fit l'acquisition du club de baseball de Québec, équipe de la ligue Canado-américaine, plus tard de la ligue Provinciale. Le circuit réunissait alors huit filiales des ligues majeures: Pittsfield (Cleveland), Schenectady (Phillies), Amsterdam (Yankees), Gloversville, Rome, Oneanta (Red Sox), Trois-Rivières (Dodgers) et Québec (Braves).
«Je n'avais pas d'expérience dans ce domaine quand M. Sainte-Marie m'a proposé le poste de gérant d'affaires du club, dit M. Lemyre. Mais mon patron ne s'est pas arrêté à une si mince difficulté. Il m'a envoyé à Columbus, Ohio, suivre un cours d'administration dans le baseball.»
À compter de l'année suivante, les Alouettes de Québec, devenues les Braves à cause de leur affiliation, ont remporté six championnats en sept ans.
Le budget de l'équipe s'élevait à environ 150000$ par année pour un personnel de 17 ou 18 joueurs. À cette époque le salaire minimum annuel dans les majeures était de 7000$. M. Lemyre rapporte fièrement que les Braves, filiale des Braves de Boston (puis des Braves de Milwaukee), de la ligue Nationale de baseball de l'époque, ont attiré sous sa gouverne jusqu'à 200000 spectateurs par saison.
«L'une des réalisations dont je suis le plus fier, souligne-t-il, c'est qu'une année, à Québec, nous comptions sur notre liste de joueurs d'hiver: Claude Raymond, Claude Saint-Vincent - celui-là même qui est aujourd'hui responsable des ventes de la bière au stade - Georges Maranda, auquel j'avais moi-même fait signer un contrat, Ronald Piché et Yvan Dubois.
«Si Québec avait autant de joueurs francophones sur sa liste c'est que Roland Gladu, qui s'est illustré dans l'uniforme des Royaux des années 1945 aux côtés de Jean-Pierre Roy et de Stan Bréard, était dépisteur pour les Braves de Boston.
«Gladu a toujours prétendu - et je partage son avis - que les Québécois ne sont pas aussi prêts à jouer dans les majeures que ceux qui pratiquent le baseball 12 mois par année. Mais les talents identifiés, il faut contribuer à leur développement.»
Plus tard, à Montréal, M. Lemyre a fait inscrire les noms de Raymond Daviault et de Tim Harkness sur la liste des Royaux. Tous deux devaient d'ailleurs porter les couleurs des Mets par la suite.
À Québec, René Lemyre a fait la connaissance d'une charmante jeune fille du nom de Hélène Christensen, née à Tadoussac de parents norvégiens. Il l'a épousée.
Ils ont eu quatre garçons: Henri, notaire, père de trois enfants, Marc, célibataire et sportif à l'emploi de Revenu Canada, Denis, père d'un enfant, travaillant chez Bell Canada et Jean, le cadet, employé de Via Rail.
En novembre 1955, M. Hector Racine, alors président des Royaux, avait convoqué les médias pour leur apprendre que René Lemyre quittait l'organisation des Braves de Québec pour succéder au major Guy Moreau comme gérant général des Royaux de Montréal.
M. Lemyre était alors âgé de 35 ans. Son salaire n'avait pas été divulgué à l'époque, mais M. Lemyre dit aujourd'hui qu'il touchait 15000$ par année.
«À mes débuts dans le baseball, les ligues mineures ne comptaient pas moins de 400 clubs en Amérique du Nord qui tous faisaient leurs frais, tous! soutient M. Lemyre.
«L'arrivée de la télévision a tout chambardé, non seulement aux États-Unis, mais aussi au Canada. Je me souviens qu'à Québec, j'avais fait installer des écrans au stade pour que les spectateurs ne ratent pas leur émission des Plouffe.»
La télé a enrichi les équipes des ligues majeures, mais tué le baseball mineur.
«Ce déclin a eu pour effet que les clubs majeurs ont dû subventionner leurs filiales en presque totalité, rapporte M. Lemyre. Autrefois, avec huit clubs dans chaque ligue, un joueur devait gagner ses épaulettes avant de graduer. Plusieurs bons joueurs languissaient dans les mineures. Il y en avait à Montréal et à Newark, dans la ligue Internationale, il y en avait également à Québec dans un circuit inférieur et ailleurs.
«Vous a-t-on raconté que j'avais failli obtenir les services de Hank Aaron, à Québec? La vérité, c'est que je l'ai refusé moi-même. Nous avions en Ed Charles, un excellent joueur d'arrêt-court. C'était en 1952. John Quinn, gérant général des Braves de Milwaukee, m'avait téléphoné à Québec, me demandant de lui céder Ed Charles, que nous aimions beaucoup, prêt à combler le poste par un jeune prometteur du nom de Hank Aaron qui jouait à Eau Claire. J'ai refusé.» On ne peut refaire l'histoire, mais si c'était à refaire...
Plus tard, alors qu'il était à Montréal (en 1957), Lemyre et les Royaux avaient bien failli hériter, cette fois, de Sandy Koufax. Les Dodgers étaient venus disputer un match hors concours aux étoiles de la ligue Internationale au stade DeLorimier.
Buzzy Bavasi, des Dodgers, avait alors confié à Lemyre que si Koufax décevait dans ce match, il le laisserait à Montréal. Mais Koufax - le Wayne Gretzky du baseball de ce temps-là - avait été fantastique et Lemyre et les Royaux s'en sont passés.
Après avoir été gérant général des Royaux pendant trois ans et demi, René Lemyre s'est inquiété de son avenir. «Le stade Delorimier avait été vendu, rappelle-t-il. Je suis allé trouver M. O'Malley (président des Dodgers déménagés à Los Angeles) et je lui ai expliqué la situation»
- Si le maire Drapeau construit son stade, tu n'as pas à t'inquiéter, lui a répondu O'Malley.
On sait ce qui est arrivé, le stade en question, les Expos l'ont eu bien des années plus tard...
M. Lemyre a alors décidé d'accepter un poste dans les relations publiques à la Brasserie Dow qui l'a envoyé à Québec pendant trois ans. Il est revenu à Montréal en 1963 et il a quitté les relations publiques en 1965 pour devenir courtier en valeurs mobilières chez McNeil et Mantha. Quelques années plus tard, l'ex-journaliste Fernand Liboiron, un ami, devait l'y rejoindre.
Tout comme il l'avait fait 18 ans auparavant, pour son apprentissage en administration dans le domaine du baseball, René Lemyre s'est rendu à Wall Street apprendre son nouveau métier.
«J'en ai travaillé un coup», admet-il.
Mais quelle réussite!
En avril 1966, Walter Anderson, de la maison Merrill Lynch, Pierce, Fenner et Smith adressait à Paul J. Sullivan, de la succursale montréalaise une lettre fort élogieuse.
«René s'est classé premier dans un groupe de 64 élèves, écrivait Anderson. Je considère René comme l'une des personnes les plus matures que j'aie eu l'occasion de rencontrer tant en Europe qu'en Amérique. Il est vif, honnête et, rare qualité, humble. Il s'élève d'une tête au-dessus du commun des mortels... »
Inutile de souligner que cette lettre occupe une place d'honneur dans l'album de souvenirs du septuagénaire.
Il a connu de nombreux politiciens, MM. Louis Saint-Laurent et Brian Mulroney qui, tour à tour, ont dirigé le pays.
Il a mieux connu encore MM. Maurice Duplessis, Jean Lesage, Daniel Johnson et Paul Sauvé qui ont été tour à tour premier ministre du Québec.
«M. Johnson m'avait téléphoné un jour et demandé de me présenter sous les couleurs de l'Union Nationale, rapporte M. Lemyre. Je n'y tenais pas beaucoup. Aussi, quand il m'a dit: «Quel comté t'intéresserait?» comme je savais que le représentant de Laprairie était déjà choisi, je parlais de ce comté où j'avais été élevé. «Mais il est déjà pris», me répondit M. Johnson. L'affaire n'alla pas plus loin.»
Pour M. Lemyre, c'est par manque de compréhension que les gens du Québec et les gens de l'Ontario ou de l'Ouest ne se comprennent pas.
«Pour moi, déplore-t-il, si Duff Roblin (ancien premier ministre du Manitoba) avait été choisi à la tête du parti conservateur à la place de Stanfield et si Paul Sauvé avait vécu plus longtemps, le Canada n'en serait pas à se déchirer.»
Il est nationaliste, certes, mais non séparatiste.
Pour sa part, il assure que pendant tout le temps qu'il a été gérant général d'une équipe de baseball, soit à Québec, soit à Montréal, il n'a jamais éprouvé de complexe quels qu'aient été les propriétaires de l'équipe qu'il dirigeait.
Au sujet des Expos, même s'il ne sait pas encore très bien quels en sont les propriétaires, M. Lemyre se réjouit de voir le tandem de Claude Brochu et de David Dombrowski à la tête du club.
«Si M. J.- Louis Lévesque avait été le premier propriétaire des Expos et qu'il avait placé, comme il se le proposait, M. Raymond Lemay au poste de gérant général, assure M. Lemyre, les Expos auraient connu un retentissant succès.
«Je n'aime pas critiquer. Mais je ne peux passer sous silence le fait que John McHale n'a jamais compris qu'il fallait des gens locaux impliqués à un haut niveau dans l'équipe. Il n'a pas su établir de lien avec les spectateurs.
«À Montréal, j'ai fait nommer Butch Bouchard et Jean Barrette directeurs de l'équipe. Mais j'accorde beaucoup de compétence au duo Brochu-Dombrowski.»
Pour M. Lemyre, le commissaire Ford Frick, ex-journaliste, a beaucoup fait pour l'expansion du baseball majeur. «Je l'avais invité un jour qu'il était de passage à Montréal, à assister à un match d'étoiles du baseball junior au parc Jarry. Enthousiasmé par l'endroit et par l'atmosphère, il a eu cette réaction: «Mais c'est ici qu'il faut installer les Expos!»
M. Lemyre croit en l'avenir du baseball majeur à Montréal. Il explique la différence d'assistance entre Toronto et Montréal par la population et le nombre plus élevé de sièges sociaux dans la Ville Reine.
«À Toronto, dit-il, on peut vendre 40000 billets de saison alors qu'à Montréal on ne peut espérer plus de 15000 par saison. Il y a aussi le coût des billets. De mon temps, le baseball représentait un spectacle pour toute la famille. De nos jours, les billets sont tellement chers!»